Internet n’est plus un pharmakon comme le présentait le philosophe Bernard Stiegler.
L’image d’un artefact manichéen, dans lequel le pire et le meilleur de la communication ont été développés, est devenue celle d’une boîte noire, multipliant les plateformes et les nœuds d’interactions et occultant les règles d’usages et de contrôles de ses services. Car internet n’est plus seulement un réseau, un protocole de communication, mais il est la résultante de la somme de ses contenus et de ses pratiques à travers le monde.
Il y a une véritable rupture entre l’internet utopiste, façonné par la culture technohippie-libertaire post 60’s et notre quotidien du tout connecté. Depuis plus de 20 ans, les industries du service ont bouleversé ce paysage cybernétique, cet environnement d’autogestion, en proposant des outils de conversation minimalistes (réseaux sociaux de plus en plus simplifiés dans les modes de partages d’informations), en segmentant la culture (communautés en ligne, algorithmes de recommandation de vidéos, de musiques), en centralisant les ventes de biens (commerce en ligne, market place), en créant de la défiance entre utilisateurs (classement, notations, surveillance). Difficile de sortir du prisme de l’internaute / consommateur pour apprécier les potentiels du réseau et saisir la mécanique de nos interactions.
Comme le propose le sociologue Dominique Cardon dans l’ouvrage collectif La Toile que nous voulons, « il faut demander au design des services du web de nous donner des outils pour dézoomer afin de voir les totalités ». Proposer une cartographie de l’internet pour en déceler son essence, son actuel mode de fonctionnement, et ainsi permettre aux abonnés une meilleure expérience utilisateur est fondamental. Il est du rôle du designer graphique de défraîchir tous ces éléments, et de donner une image de la structure globale de l’internet.
C’est dans le cadre de notre master et du programme de recherche Retour Aux Sources de l’École Supérieure d’Art et de Communication de Cambrai, que nous avons initié une tentative de mise en images de cette nébuleuse internet à travers ces enjeux actuels de segmentations (géographiques, virtuelles), de contrôles (législation, surveillance), de déploiements (physiques, technologiques), d’occupations (territoriales), d’usage (contenus, pratiques). Le projet présenté est un site internet regroupant une série de visualisations dynamiques de données, alimentées par des sources issues des divers organismes d’observation des pratiques digitales.
Étudiants contributeurs : Louis Cauwelier, Vinciane Dahéron, Antoine Damay, Anaïs Gillet, Missuwe Jade, Aline Jan, Ning Jiang, Camille Leleu, Killian Maguet, Louis Souêtre, Élisa Yuste.
Enseignant : Keyvane Alinaghi.